Cession d'entreprise : se comprendre pour mieux transmettre

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Changer de vie et vendre son entreprise, ce n'est pas si facile ! Phénomène de deuil, angoisse du départ à la retraite ou difficulté à lâcher prise... Le cédant est souvent tiraillé par des sentiments contraires qui risquent de compromettre la transmission. Que vous soyez cédant ou repreneur, apprenez à identifier ces mécanismes afin de mieux les contourner.

Prendre le temps de faire le point

Chaque motif de cession fait écho à un problème d'ordre psychologique.

Trouver le bon timing pour céder

Les patrons de petites entreprises refusent souvent de prendre le temps de se préparer à la cession, notamment quand ils partent à la retraite, car « ils ne se voient pas vieillir  » explique Jean-Pierre Robin, qui accompagne des transmissions au sein du CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires). « Chacun est le méridien de Greenwich de son propre monde. On ne voit que les différences d’âges mais on ne se rend pas compte que le temps passe vite, à force de côtoyer toujours les mêmes personnes. » Or, pour vendre, il est essentiel que le chef d’entreprise se sente prêt à assumer son nouveau rôle de cédant. Il ne faut ni trop retarder cette prise de position, ni trop l’anticiper, au risque de fragiliser l’entreprise.


Un enjeu plus profond peut brouiller les pistes

Chantal Prévost, psychologue et coach d'entrepreneur, explique que « la transmission révèle les failles identitaires plus profondes. Elle met en lumière des problèmes de relations aux autres sur 3 modes : la relation primaire (mère-enfant), la relation à l’autorité et les problèmes d’identité sociale.  » Chaque motif de cession fait écho à un problème d’ordre psychologique qui peut mettre en péril le bon déroulement de la transmission. Par exemple, si le chef d’entreprise décide de vendre parce qu’il est en difficulté, il risque de souffrir d’une blessure narcissique. En conséquence, il peut se dévaluer et refuser de coopérer avec le repreneur. Le cédant doit donc prendre le temps de réfléchir à ses motifs. « S’il n’est pas au clair avec lui-même, le repreneur ne trouvera pas sa place au sein de l’entreprise.  »


Se faire accompagner pour mettre à nu ses émotions

L’enjeu de la préparation du chef d’entreprise consiste à « comprendre ce qui se joue dans la cession : ce qu'il gagne ou perd en vendant  », précise Chantal Prévost. Il doit donc faire un bilan de son expérience passée et analyser ses sentiments avant de pouvoir se projeter dans la cession. « Cette période d'introspection, de mise à nu arrive souvent pour la première et la dernière fois dans la vie du dirigeant. Elle est particulièrement difficile car l’entrepreneur est avant tout quelqu'un qui prend des risques, qui maîtrise la situation et ne montre pratiquement jamais ses émotions.  » L’accompagnement d’un psychologue, d’un coach ou d’un expert de la transmission peut alors s’avérer d’un grand secours.


Accepter de lâcher prise

Plus une entreprise est petite, plus elle est dépendante de son dirigeant. Chercheur à l’EM Lyon et à l’université de Montpellier spécialisé sur les PME, Olivier Torres se sert de ce phénomène pour expliquer les difficultés de transmission : « le chef d’entreprise est un rouage essentiel autour duquel tout tourne. Il passe son temps à résoudre le moindre problème. Ce rôle gratifiant qui procure fierté et plaisir, entraîne souvent une « égotrophie » : une hypertrophie de l’ego qui rend la transmission problématique.  » Réticents à partager l’exercice de leur pouvoir, ces chefs d’entreprises éprouvent beaucoup de difficultés à prendre leur retraite. « Ce problème est courant dans les petites entreprises, constate Jean-Pierre Robin du CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires). En effet, l’organisation réduite de ces structures exclut les intermédiaires entre le chef d’entreprise et ses salariés. La clé est donc d’apprendre à déléguer.  » Jean-Bernard Peylet résume ainsi le rôle du chef d’entreprise : « il vaut mieux qu’il ait le moins de tâches opérationnelles possible afin de se soustraire des préoccupations quotidiennes et de se concentrer sur la stratégie et le développement de l’entreprise.  »



Anticiper les bouleversements

Prendre conscience de la force des liens

« La cession d’entreprise pose le problème de l’impermanence des choses : comme dans la philosophie bouddhiste, l’être humain doit apprendre à se détacher de tout   », analyse Philippe Paillot, maître de conférences à l’IAE de Lille spécialisé dans la gestion des Ressources Humaines et l’analyse organisationnelle. « Plus le lien affectif est fort, plus la rupture sera dure. » Voilà pourquoi il est très difficile pour un dirigeant de vendre l’entreprise qu’il a lui-même créée. « Il faut donc que le chef d’entreprise comprenne ce phénomène naturel et qu’il apprenne à lâcher prise, comme un parent doit savoir laisser partir son enfant pour qu’il continue à évoluer. »


L’angoisse du départ à la retraite

Le travail n’est pas qu’une occupation neutre. C’est également un facteur d’intégration sociale. « Vendre son entreprise, c’est non seulement sortir d’une communauté humaine mais aussi quitter un statut social et renoncer à une identité   », explique Philippe Paillot. Entreprendre est si impliquant sur un plan personnel que le cédant a l’impression que toute sa vie se résume à son entreprise. « Alors qu’avant, le travail structurait tout son temps, l’entrepreneur se retrouve face à un grand vide quand il accède à la retraite. Avoir enfin du temps pour soi sans savoir comment l’employer, ne plus être au cœur de l’action, n’avoir aucun problème à résoudre, ne plus entendre le téléphone sonner, perdre en pouvoir d’achat…Cette situation particulièrement angoissante doit être dédramatisée afin que le cédant puisse se réinvestir dans un autre projet. »


Arriver à faire le deuil

« Il ne faut pas sous-estimer l’impact psychologique d’une cession, prévient Chantal Prévost. Le cédant doit effectuer un réel travail de deuil, même s’il s’est préparé. Le dirigeant passe alors par 5 étapes. Au début, le chef d’entreprise est sous le choc de la séparation. Puis, il s’accroche à ce qu’il a peur de perdre et se positionne dans le déni. Il sombre ensuite dans le désespoir avant de se désinvestir de l’entreprise. Ce n’est qu’après cette étape de dépression qu’il peut réinvestir sa vie et s’occuper de réorganiser son temps. Pour transmettre son entreprise, il faut que le dirigeant soit arrivé à la phase d’acceptation de son deuil. Le repreneur doit donc absolument lire à travers le cédant, s’assurer qu’il a trouvé un vrai cédant, sinon il risque d’arriver à un statu quo qui compromette les négociations. Le deuil du cédant ne sera consommé que lorsqu’il saura se détacher des décisions du repreneur car elles sont nécessaires sur le plan économique, même si elles sont difficiles à accepter humainement.   »


Se préparer avec l’entourage

La retraite d’un dirigeant peut également être difficile pour l’entourage, particulièrement si le conjoint ne travaille pas. Ainsi, quand la femme a choisi de rester à la maison, elle « s’est construite une vie avec ses amis, ses rituels, précise Maître Bernard Monassier. Quand l’homme accède à l’oisiveté, la femme a souvent l’impression qu’il envahit son domaine, son jardin secret. Elle culpabilise souvent de poursuivre sa routine et se sent obligée de s’occuper de lui. La difficulté de cette transition ne peut être amenuisée que si le cédant associe son conjoint dans l’organisation de sa nouvelle vie. »

Ariane Gaudefroy

Crédits photo : Fotolia

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